samedi 28 janvier 2012

Forteresse


Faible ? Moi ? Jamais ! Je ne permets à personne de dire cela, et encore moins de le penser. Je suis battante, courageuse à en crever.
Si j’ai l’air d’avoir mal et que tu me regarde avec pitié je peux te mordre jusqu’au sang, pour un regard. Ne me parle pas gentiment, je ne veux pas de gentillesse à mon égard. La gentillesse c’est pour les faibles.
Je suis exigeante. Surtout avec moi-même.
Si je suis dure ce n’est pas de la méchanceté mais une façon de me protéger. Je déteste les débordements d’affection, les déclarations d’amour, et d’une façon générale je supporte mal que l’on s’attache à moi. Je prendrais le risque de m’attacher en retour, et donc, de me faire du mal. On ne peut pas aimer sans un jour en souffrir. Je n’ai pas le temps pour ça, souffrir. Et puis pour aimer, il faut avoir confiance. Et qu’on me coupe la main s’il existe, si l’on trouve une seule personne entièrement digne de confiance sur cette terre.
Tu me regardes comme si j’étais une extraterrestre. Je ne suis ni folle ni désespérée, mais simplement lucide. Seule, oui, mais lucide. La vie est courte je n’ai pas le temps de m’éparpiller en relations trop souvent stériles, en larmes inutiles, un jour tu comprendras, toi, qui me regarde ainsi, parce qu’un jour peut-être, tu seras vieux, et seul. Moi, je préfère m’y habituer dès maintenant. Et me battre pour réussir. Je suis une forteresse. Les attaques des autres sont comme une poignée de clous lancée contre mes murs. Il n’y a plus de pont levis depuis longtemps. Rien ne me pénètre donc je suis vide… vide. Mais forte.

mardi 10 janvier 2012

Je suis lente

Je suis lente.
On me le reproche sans cesse.
Quand je marche dans la rue, il n'est pas rare qu'une pointe de chaussure super tendue me morde le talon, ou que quelqu'un d'exaspéré par ma lenteur, me prenne par les épaules pour me déplacer.

Quand on me parle j' écoute, j'entends, mais mon cerveau n'assimile que plus tard ce qu'il a entendu. Je mets du temps à répondre, quand je réponds.

J'aime regarder les fleurs pousser, le soleil se coucher et l'aiguille des minutes avancer. Je regarde les rides qui se forment sur mon visage, et le fruit devenir noir.

Je ne suis jamais arrivée en retard à un rendez vous. Connaissant ma lenteur par coeur, je pense large. Pour un trajet d'une demi-heure pour un être humain normal, je compte une heure quinze. Le quart- d'heure étant la marge de sécurité.

J'ai été virée ce matin. Je travaillais à la SNCF. Je m'étais présentée il y a quelques mois, pensant choisir le meilleur endroit pour exercer ma lenteur. Mais une fois dans le train, j'ai été prise de panique. Les paysages défilaient trop vite. Je me suis trouvée mal. Demain, j’irai postuler à la poste.

Je suis lente. Mais chaque chose que je fais, chaque action jusqu'à la plus insignifiante, comme replacer une mèche de mes cheveux, je le fais minutieusement. Avec application. Lorsque je marche, je ressens très profondément mon pied qui se déroule sur le sol, pendant que le deuxième (car j'en ai deux) prend son envol, pour aller atterrir quelques décimètres plus avant. 

Dans cette société où tout doit aller vite. Où la vie n'est plus qu'une course incessante contre les autres, contre le temps, après l'argent,
Je suis lente. Et alors! Je savoure chaque instant de la vie.

Une respiration, un mot, un mouvement, un regard. J'attrape ces petits moments les caresse les hume. Je m'en imprègne.

Vous qui êtes tous rongés par l'impatience. Vous, aigris de ne pouvoir rattraper ce temps qui courra toujours plus vite que vous. Oubliez une seule seconde, votre douloureuse et vaine course, abandonnez un instant cette grimace pressée que vous affichez, et regardez moi!
Regardez-moi bien, car je suis une espèce en voie de disparition.
Dans cette société qui n'est pas faite pour les lents, j'ai tout perdu. Mon travail, mon argent, même mes amis. Tout perdu sauf une chose, l'essentiel, le temps de vivre. Heureuse, simplement, d'être en vie.